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Le coeur de la Myrtille
25 décembre 2013

Noël dans la peau d'une hôtesse

Neige

Parce que Noël représente le plus gros chiffre d'affaires de l'année dans la grande distribution, le 24 décembre, tout le monde s'y colle. On sort des bureaux et aux comptables la découpe du pain et l'ouverture des huitres, aux reponsables la préparation des jolis plateaux de fruits de mer et moi... me voilà désignée hôtesse d'accueil ! En avant ! A peine ai-je distribué la prime de Noël que je me retrouve à rouler des kilométres de papier cadeau, renseigner les clients ( "où est le soja?" "aux fruits et légumes madame", "non, le soja liquide" " au rayon diététique alors"," non celui pour faire les trucs chinois" "ahhhhh la sauce soja!!"), répondre au téléphone, relever les caisses avec l'agent de sécurité ... J'ai abandonné mes talons pour des ballerines confortables mais pas question de pousser le maquillage ou de porter le bonnet rouge réglementaire!
Ce qui me surprend dès les premières minutes, c'est la mauvaise humeur des clients. Côté hôtesses, ce n'est guère mieux. Et plus la journée avance, plus le client est grincheux, désagréable, arrogant, à croire qu'on le force à faire ses courses aujourd'hui. Un festival d'amabilités! Et que je te traite d'escroc parce ce que tu ne prends pas les chèques cadeaux, et que je te mets une bouteille de whisky 30 ans d'âge dans une boite de bas de gamme et que je feins la surprise horrifiée quand la caissière s'en rend compte, et que je change d'avis 4 fois sur la taille du pull pour la Mamie, et que je veux du papier ( vous en avez pas du moins moche? Si, mais faut le payer! Eh ben ça fera l'affaire...mais il est vraiment moche) pour les 25 boites de chocolat que j'ai acheté la semaine dernière, et que quand même vous pourriez solder les jouets aujourd'hui...
L'heure tourne, des vagues de caddies inondent les allées, on pense qu'ils vont bien finir par rentrer chez eux, avec leurs cadeaux et leur champagne, mais non... A 18 heures, toujours autant de monde et la fatigue aidant, l'humeur devient carrément morose. Non, on ne fait pas les paquets cadeaux mais on vous prête des ciseaux si vous voulez. Ok, toi qui essayes depuis une heure d'emballer une poupée, t'aurai pas dû commencer à réveillonner si tôt ce matin, alors je vais t'aider parce que tu me fatigues, ne me dis pas merci va!
Les filles pensent à leur Réveillon et expédient les encaissements. Chaque départ d'une hôtesse est salué d'un Joyeux Noël choral, mais le coeur n'y est pas. J'essaie de détendre un peu l'atmosphère en faisant des appels micros à ma façon, enfin quelques sourires. J'ai les pieds en morceaux, j'ai chaud, je cours partout, je ne suis pas habituée à rester debout une journée entière moi! Les derniers clients sont les pires, le magasin va fermer ses portes ( vous fermez à 19h? ah mais c'est pas pratique pour moi ça!) et il manque toujours un truc. Quoi, vous n'avez plus de pain aux noix? Il me faudrait aussi des huitres, une bûche marron chocolat verveine, 6 bouteilles de champagne en promo. Ben tu vas les demander au Père Noël parce que là, c'est fini tu vois madame la cliente, nous aussi on a une famille qui nous attend, nous aussi on a une vie, nous aussi on a envie de fêter Noël.
Et puis il faut encore compter les caisses, ranger les produits abandonnés n'importe où par les clients ( les queues de langouste en train de décongeler entre deux boites de chocolat, ça fait mal au coeur. Poubelle. Bravo client!). Eteindre le magasin. Espèrer qu'on ne va pas se faire braquer à la sortie. Enfin rentrer à la maison.
Je suis prête à parier que la moitié des gens qui sont venus faire leurs courses après 18h sont les premiers à s'offusquer du travail du dimanche et à signer les pétitions pour l'amélioration des conditions de travail. Alors moi je te le dis, client du soir de Noël, commence simplement par être aimable, tu verras, ça ira mieux pour tout le monde! Merry Christmas!

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